Biscuits pour la route

Bertrand Belin n’est pas un enfant prodige. Il y a quelque chose d’émouvant, et peut-être de passionnant à voir comment il monte, en partant de l’anonymat le plus ordinaire jusqu’à lui-même, cette coïncidence entre ce que l’on peut supposer être ses aspirations lentement acquises, et l’évidence où il les délivre. Libération et les pages jointes éviteront d’avoir à écrire sa biographie pour chercher à le prouver. Les journalistes, qui le citent abondamment, retiennent ses mots, leur scansion, et la manière qu’il a, par oral, de créer la surprise. Le début de la phrase n’annonce pas ce que sera sa fin. En marge, on prendra quelques notes, pour la route : enfant breton, famille de marins-pêcheurs : c’est-à-dire, malgré Guillevic, pas né dans les pages d’un recueil de poèmes. BEP électricien : sans Mallarmé, sans Debussy. Monter à Paris, avec une copine de l’été, cela veut dire, depuis quelques siècles, tout à apprendre, des femmes et de la ville : par exemple, comment faire une phrase. Et comment la suspendre. Et la reprendre plus loin, d’un autre texte.

En novembre 2013 :

http://next.liberation.fr/musique/2013/11/08/bertrand-belin-dans-le-flot-de-tarkos_945680

En octobre 2010 :

http://next.liberation.fr/musique/2010/10/30/bertrand-belin-craquante-elegance_690238

En avril 2011 :

http://next.liberation.fr/musique/2011/04/01/le-jour-du-pecheur_726017

Et puis cela prend un temps infini, toutes ces années dont la quarantaine débarrasse : gratter une guitare, un banjo (l’instrument de la modestie), risquer une chanson sur l’album des autres, jouer les utilités, et la manche dans le métro. Même l’élégance est acquise, là où elle est délibérée. Sur la pochette de son second album la Perdue (2007, trop joli titre qui se performe d’avance) : l’artiste reste les bras ballants, dans un pantalon tuyau de poêle. « Le trou dans ta poitrine », qui ouvre ? C’est presque ça, mais pas encore. Même en concert, la chanson se trouve, à son début, avant de se perdre, dans ses arrangements :

Le coup de bluff, c’est Hypernuit (2011) : cesser d’être son propre sideman, réduire l’accompagnement à ce que tout le monde sait faire pour commencer, guitare-arpèges, ambiance feu de camp, batterie atone, deux fois rien, des chansons comme depuis toujours, sauf la voix. Si elle touche, elle est seule. Même en duo. Sur « La Chaleur », il a des yeux étranges, sa chanson est là. Et lui ?

Il se trouve :

Parcs (2013) est parfait.

Bertrand Belin a sorti un livre Sorties de route, La Machine à cailloux, 2011.

Laisser un commentaire